Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/230

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monde ? Et ces hommes dont la terre est couverte, ils croient vivre ! Moi seul je vis ! Dis, qu’ai-je fait pour t’obtenir ?

— Oh ! ce qu’il fallait faire, c’est bien moi qui l’ai fait. Je vous le dis franchement. Si nous en sommes venus là, c’est ma faute. Voyez-vous, elles ne l’avouent pas toujours, mais c’est toujours la faute des femmes. Aussi, quoi qu’il arrive, je ne vous ferai pas de reproches.

Une troupe agile et criarde de mendiants, de guides, de proxénètes, détachée du porche, les entourait avec une importunité où se mêlait encore une certaine grâce que ne perdent jamais les légers Italiens. Leur subtilité leur faisait deviner des amoureux, et ils savaient que les amoureux sont prodigues. Dechartre leur jeta quelques pièces d’argent, et tous retournèrent à leur paresse heureuse.

Un gardien municipal accueillit les visiteurs. Madame Martin regrettait de ne pas trouver un moine. La robe blanche des dominicains était si belle, à Santa-Maria-Novella, sous les arcades du cloître !

Ils visitèrent les cellules où, sur la chaux nue, Fra Angelico, aidé de son frère Benedetto, peignit pour les religieux, ses compagnons, des peintures innocentes.

— Vous rappelez-vous le soir d’hiver où, vous