Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/232

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« Cette dame, peinte par Siccardi, ressemble à la mère d’André Chénier. » Je vous ai répondu : « C’est l’aïeule de mon mari. Comment était la mère d’André Chénier ? » Et vous avez dit : « On a son portrait : une Levantine affalée. »

Il se défendit d’avoir parlé d’une façon si impertinente.

— Mais si ! Je me rappelle mieux que vous.

Ils allaient dans le blanc silence du couvent. Ils visitèrent la cellule que le bienheureux Angelico orna de la plus suave peinture. Et là, devant la Vierge qui, dans un ciel pâle, reçoit de Dieu le Père la couronne immortelle, il prit Thérèse dans ses bras et lui mit un baiser sur la bouche, presque au regard de deux Anglaises qui allaient par les corridors, consultant le Bædeker. Elle lui dit :

— Nous allions oublier la cellule de saint Antonin.

— Thérèse, je souffre, dans mon bonheur, de tout ce qui est de vous et qui m’échappe. Je souffre de ce que vous ne viviez pas de moi seul et pour moi seul. Je voudrais vous avoir toute et vous avoir eue toute dans le passé.

Elle fit un petit mouvement d’épaules.

— Oh ! le passé !

— Le passé, c’est la seule réalité humaine. Tout ce qui est est passé.