Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle leva vers lui ses yeux dont les prunelles ressemblaient à ces ciels charmants mêlés de soleil et de pluie.

— Eh bien, je puis vous le dire : je ne me suis jamais sentie vivre qu’avec vous.


En rentrant à Fiesole, elle trouva une lettre brève et menaçante de Le Ménil. Il ne comprenait rien à son absence prolongée, à son silence. Si elle ne lui annonçait pas tout de suite son retour, il allait la retrouver.

Elle lut, nullement surprise, mais accablée de voir que tout ce qui devait arriver arrivait et que rien ne lui serait épargné de ce qu’elle avait craint. Elle pouvait encore le calmer et le rassurer. Elle n’avait qu’à lui dire qu’elle l’aimait, qu’elle retournerait bientôt à Paris, qu’il devait renoncer à l’idée folle de la rejoindre ici, que Florence était un village où ils seraient vus tout de suite. Mais il fallait écrire : « Je t’aime. » Il fallait l’endormir avec des paroles caressantes. Elle n’en eut pas le courage. Elle lui laissa entrevoir la vérité. Elle s’accusa elle-même en termes enveloppés. Elle parla obscurément des âmes emportées dans le flot de la vie, et du peu qu’on est sur l’océan mouvant des choses. Elle lui demanda avec une tristesse affectueuse de lui garder un bon souvenir dans un petit coin de son âme.