Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/241

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de mai, toute la ville était en liesse. Les jeunes filles, vêtues d’habits de fête et couronnées d’aubépine, allaient en long cortège par le Corso, sous des arcs de fleurs, et formaient des chœurs sur l’herbe nouvelle, à l’abri des lauriers. Nous ferons comme elles. Nous danserons dans le jardin.

— Ah ! nous danserons dans le jardin ?

— Oui, darling, et je vous apprendrai des pas toscans du xve siècle, qui ont été retrouvés dans un manuscrit par M. Morisson, le doyen des bibliothécaires de Londres. Revenez vite, my love ; nous mettrons des chapeaux de fleurs et nous danserons.

— Oui, chérie, nous danserons.

Et, poussant la grille, elle s’enfuit par le petit chemin, qui, raviné comme un lit de torrent, cachait ses pierres sous des buissons de roses. Elle se jeta dans la première voiture qu’elle trouva. Le cocher avait des bleuets à son chapeau et au manche de son fouet.

— Hôtel de la Grande-Bretagne, Lungarno Acciaoli !

Elle savait où c’était, Lungarno Acciaoli… Elle y était allée le soir, et elle revoyait l’or déchiré du soleil sur la nappe agitée du fleuve. Puis ç’avait été la nuit, le murmure sourd des eaux dans le silence, les paroles, les regards qui l’avaient troublée, le premier baiser de l’ami, le commence-