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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/254

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volonté animale. Elle lui résista de toute sa volonté présente, libre et qui veillait. Elle se dégagea froissée, arrachée, déchirée, n’ayant pas même eu peur.

Il comprit que tout serait inutile ; il retrouva la suite oubliée des choses et qu’elle n’était plus à lui parce qu’elle était à un autre. Sa souffrance revenue, il lui cracha des injures, et la poussa dehors.

Elle resta un moment dans le corridor, attendant par fierté un mot, un regard digne d’être mis sur leur amour passé.

Mais il cria encore : « Va-t’en » et poussa violemment la porte.


Via Alfieri, elle revit le pavillon au fond de la cour où croissait l’herbe pâle. Elle le trouva tranquille et muet, fidèle, avec ses chèvres et ses nymphes, aux amoureux du temps de la grande-duchesse Élisa. Elle se sentit dès l’abord échappée au monde douloureux et brutal et transportée dans des âges où elle n’avait pas connu la tristesse de vivre. Au pied de l’escalier, dont les degrés étaient jonchés de roses, Dechartre l’attendait. Elle se jeta dans ses bras et s’y abandonna. Il la porta inerte, comme la dépouille précieuse de celle devant qui il avait pâli et tremblé. Elle goûtait, les paupières mi-closes, l’humiliation superbe