Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/255

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d’être une belle proie. Sa fatigue, sa tristesse, ses dégoûts de la journée, le souvenir de la violence, sa liberté reprise, le besoin d’oublier, un reste de peur, tout avivait, irritait sa tendresse. Renversée sur le lit, elle noua ses bras autour du cou de son ami.

Quand ils revinrent à eux, ils eurent des gaietés d’enfant. Ils riaient, disaient des riens, jouaient, mordaient aux limons, aux oranges, aux pastèques amassés près d’eux sur des assiettes peintes. N’ayant gardé que la fine chemise rose, qui, glissant en écharpe sur l’épaule, découvrait un sein et voilait l’autre, dont la pointe rougissait à travers, elle jouissait de sa chair offerte. Ses lèvres s’entr’ouvraient sur l’éclair de ses dents humides. Elle demandait, avec une coquette inquiétude, s’il n’était pas déçu après le rêve savant qu’il avait fait d’elle.

Dans les lueurs caressantes du jour qu’il avait ménagées, il la contemplait avec une joie jeune. Il lui donnait des louanges et des baisers.

Ils s’oubliaient en caresses mignardes, en querelles amicales, en regards heureux. Puis, subitement graves, les yeux assombris, les lèvres serrées, en proie à cette colère sacrée qui fait que l’amour ressemble à la haine, ils se reprenaient, se mêlaient et cherchaient l’abîme.

Et elle rouvrait ses yeux noyés et souriait, la