Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/281

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bait feuille à feuille. Le silence était chargé d’amour ; ils goûtaient leur fatigue ardente.

Elle s’endormit sur la poitrine de son amant. Son léger sommeil prolongea sa volupté. Quand elle rouvrit les yeux, elle dit, heureuse :

— Je t’aime.

Accoudé à l’oreiller, il la regardait avec une sourde angoisse.

Elle lui demanda pourquoi il était triste.

— Tu étais content tout à l’heure. Pourquoi ne l’es-tu plus ?

Et, comme il secouait la tête et se taisait :

— Parle. J’aime mieux tes plaintes que ton silence.

Alors, il lui dit :

— Tu veux savoir ? ne te fâche pas. Je souffre plus que jamais, parce que je sais maintenant ce que tu donnes.

Elle se retira brusquement, et les yeux pleins de douleur et de reproche :

— Vous pouvez croire que j’ai été avec un autre ce que je suis avec vous ! Vous me blessez dans ce que j’ai de plus sensible, dans mon amour pour vous. Je ne vous le pardonne pas. Je vous aime. Je n’ai jamais aimé que vous. Je n’ai jamais souffert que par vous. Soyez content. Vous me faites beaucoup de mal… Seriez-vous méchant ?