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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/293

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familiers se revêtaient pour elle d’une magnifique nouveauté. Il lui semblait que son amour avait recoloré l’univers. Et elle se demandait si les arbres, les pierres la reconnaissaient. Elle songeait : « Comment se fait-il que mon silence, mes yeux, toute ma chair, et le ciel et la terre ne crient pas mon secret ? » M. Martin-Bellème, pensant qu’elle était un peu fatiguée, lui conseilla le repos. Et la nuit, enfermée dans sa chambre, au milieu du grand silence où elle entendait les palpitations de son âme, elle écrivit à l’absent une lettre pleine de ces paroles semblables aux fleurs dans leur perpétuelle nouveauté : « Je t’aime, je t’attends. Je suis heureuse. Je te sens près de moi, il n’y a que toi et moi au monde. Je vois de ma fenêtre une étoile un peu bleue, qui tremble. Et je la regarde en pensant que tu la vois de Florence. J’ai mis sur ma table la petite cuiller au lys rouge. Viens. De loin tu me brûles. Viens ! » Et elle trouvait ainsi, toutes fraîches dans son âme, les sensations et les images éternelles.

Pendant une semaine, elle vécut d’une vie tout intérieure, sentant au dedans d’elle la douce chaleur qui lui restait des jours de la via Alfieri, respirant sur elle les baisers reçus, et s’aimant d’être aimée. Elle mit un soin délicat, un goût attentif à se faire des toilettes neuves. C’est