Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/295

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avant de vous revoir. Vous ne savez pas, je ne savais pas moi-même, quelle torture c’est que de vivre une semaine loin de vous. Je suis retourné au petit pavillon de la via Alfieri. Dans la chambre, tu sais, devant le vieux pastel, j’ai crié d’amour et de rage.

Elle le regarda, contente.

— Et moi, tu ne penses pas que je t’appelais, que je te voulais, que, seule, je tendais les bras vers toi ? J’avais caché tes lettres dans le chiffonnier où sont mes bijoux. Je les relisais, la nuit : c’était délicieux, mais c’était imprudent. Tes lettres, c’était toi, trop et pas assez.

Ils traversèrent la cour où roulaient les fiacres chargés de malles. Elle lui demanda s’ils ne prenaient pas une voiture.

Il ne répondit pas. Il semblait ne pas entendre. Elle reprit :

— Je suis allée voir votre maison, je n’ai pas osé entrer. J’ai regardé par la grille, et j’ai aperçu des fenêtres à meneaux, dans des rosiers, au fond d’une cour, derrière un platane. Et j’ai dit : « C’est là ! » Jamais je ne m’étais sentie si émue.

Il ne l’écoutait plus, ne la regardait plus. Il traversa rapidement avec elle la chaussée pavée, et gagna, par un étroit escalier, une rue déserte, qui longeait en contre-bas la cour de la gare. Là, s’élevait, entre des chantiers de bois et des