Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/304

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Il lui dit qu’ils étaient seuls.

— Seuls ? Et l’homme aux terribles moustaches qui m’a ouvert la porte ?

Il sourit.

— C’est Fusellier, l’ancien domestique de mon père. Sa femme et lui composent toute ma maison. Soyez tranquille. Ils se tiennent dans la loge, fidèles et hargneux. Vous verrez madame Fusellier ; elle est familière, je vous avertis.

— Mon ami, pourquoi M. Fusellier, suisse et maître d’hôtel, a-t-il des moustaches de Tartare ?

— Ma chérie, la nature les lui a données et je les lui laisse volontiers. Je lui sais gré d’avoir l’air d’un ancien sergent-major devenu pépiniériste, et de me donner ainsi l’illusion qu’il est mon voisin de campagne.

Assis au coin du divan, il l’attira sur ses genoux, lui donna des baisers qu’elle lui rendit.

Elle se releva vivement.

— Montrez-moi les autres pièces. Je suis curieuse. Je veux tout voir.

Il la conduisit au second étage. Des aquarelles de Philippe Dechartre couvraient les murs du corridor. Il ouvrit une porte et la fit entrer dans une chambre meublée de palissandre.

C’était la chambre de sa mère. Il la gardait intacte, dans son passé d’hier, le seul passé qui