Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/305

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nous touche vraiment et nous attriste. Inhabitée depuis neuf ans, la chambre n’avait pas l’air encore résigné à la solitude. L’armoire à glace épiait le regard de la vieille dame, et, sur la pendule d’onyx, une Sapho pensive s’ennuyait de ne plus entendre le bruit du balancier.

Il y avait deux portraits aux murs. L’un, de Ricard, représentait Philippe Dechartre, très pâle, la chevelure agitée, l’œil noyé dans un rêve romantique, la bouche pleine d’éloquence et de bonté. L’autre, peint d’une main moins inquiète, faisait voir une dame entre deux âges, presque belle dans sa maigreur ardente. C’était madame Philippe Dechartre.

— La chambre de ma pauvre maman est comme moi, dit Jacques : elle se souvient.

— Vous ressemblez à votre mère, dit Thérèse. Vous avez ses yeux. Paul Vence m’a dit qu’elle vous adorait.

— Oui, répondit-il en souriant, elle était excellente, maman ; intelligente, exquise, absurde merveilleusement. Elle avait la folie de l’amour maternel, et ne me laissait pas un moment de repos ; elle se tourmentait et me tourmentait.

Thérèse regardait un bronze de Carpeaux posé sur le chiffonnier.

— Vous reconnaissez, fit Dechartre, le Prince impérial, à ses oreilles en ailes de Zéphire qui