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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/313

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Ils montèrent l’escalier, en façon d’échelle, qui craquait, et dans une chambre du premier étage, une servante leur apporta du vin et des biscuits. Des rideaux de laine recouvraient un lit d’acajou. Sur la cheminée, qui coupait un des angles, se penchait une glace ovale dans un cadre à fleurs. On voyait par la fenêtre ouverte la Seine, ses berges vertes, les collines au loin baignées d’air chaud et le soleil déjà près de toucher la cime des peupliers. Au bord de la rivière, les moucherons par essaims menaient leur danse. La paix frémissante d’un soir d’été remplissait le ciel, la terre et l’eau.

Thérèse regarda longtemps couler le fleuve. Le bateau passa sur l’eau que broyait son hélice ; et les remous du sillage atteignant la berge, il sembla que la maison penchée sur le fleuve se balançait comme un navire.

— J’aime l’eau, dit Thérèse, en se tournant vers son ami. Mon dieu, que je suis heureuse !

Leurs lèvres se rencontrèrent.

Abîmés dans le désespoir enchanté de l’amour, le temps n’était plus marqué pour eux que par le frais clapotis de l’eau qui, de dix minutes en dix minutes, après le passage du bateau, venait briser sous la fenêtre entre-bâillée.

Elle se souleva sur les oreillers et, tandis que ses vêtements, impatiemment jetés, jonchaient le