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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/329

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Je n’ai jamais aimé personne, je te jure, personne avant toi. »

Tandis qu’elle écrivait, le soupir immense et léger de la mer accompagnait le soupir de sa poitrine. Elle voulait, croyait dire des paroles véritables ; et tout ce qu’elle disait était vrai de la vérité de son amour. Elle entendit le pas pesant et sûr de son père dans l’escalier. Elle cacha sa lettre, et ouvrit la porte. Montessuy, très câlin, lui demanda si elle n’allait pas mieux :

— Je venais, lui dit-il, te souhaiter le bonsoir et te demander une chose. Il est probable que je trouverai demain Le Ménil aux courses. Il y va tous les ans. C’est un homme d’habitudes. Si je le rencontre, vois-tu, mignonne, un inconvénient à ce que je l’invite à passer quelques jours ici ? Ton mari pense qu’il sera pour toi une distraction agréable. Nous pourrions lui donner la chambre bleue.

— Comme tu voudras. Mais j’aimerais mieux que tu gardes la chambre bleue pour Paul Vence, qui a très envie de venir. Il est possible aussi que Choulette arrive sans avertir. C’est assez son habitude. On le verra un matin sonnant comme un pauvre à la grille. Tu sais, mon mari se trompe, quand il croit que Le Ménil m’est agréable. Et puis il faut, la semaine prochaine, que j’aille passer deux ou trois jours à Paris.