Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/331

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marbrée, le ventre jaune, les genoux grimaçant et les pieds dont les doigts chevauchaient. Thérèse la regardait, curieuse, démêlant la forme exquise sous les misères de la chair mal nourrie et mal soignée.

Dechartre, aux mains l’ébauchoir et la boulette de glaise, vint au devant de Thérèse, avec un air de tendresse douloureuse dont elle fut émue. Puis, posant la terre et l’outil au bord du chevalet, et recouvrant la figure d’un drap mouillé, il dit au modèle :

— Ma fille, c’est assez pour aujourd’hui.

Alors elle se leva, ramassa gauchement ses habits, une poignée de lainages sombres et de linges sales, et alla se rhabiller derrière le paravent.

Cependant le sculpteur, ayant trempé dans l’eau d’une terrine verte ses mains où blanchissait la glaise tenace, sortit de l’atelier avec Thérèse.

Ils passèrent sous le platane, qui des écailles de son tronc écorcé jonchait le sable de la cour.

Elle dit :

— Vous ne croyez plus, n’est-ce pas ?

Il la conduisit à sa chambre.

La lettre écrite de Dinard avait déjà adouci les impressions pénibles. Elle était venue au moment où, las de souffrir, il avait besoin de calme et de tendresse. Quelques lignes d’écriture