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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/332

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avaient apaisé son âme, nourrie d’images, moins sensible aux choses qu’aux signes des choses. Mais il lui restait au cœur une courbature.

Dans la chambre, où tout parlait pour elle, où les meubles, les rideaux, les tapis disaient leur amour, elle murmura des paroles très douces :

— Vous avez pu croire… Vous ne savez donc pas ce que vous êtes ?… C’était une folie !… Comment une femme qui vous a connu pourrait-elle supporter un autre après vous ?

— Mais avant ?

— Avant, je vous attendais.

— Et il n’était pas aux courses de Dinard ?

Elle ne croyait pas ; et, ce qui était bien sûr, c’est qu’elle n’y était pas, elle. Les chevaux et les hommes de cheval l’ennuyaient.

— Jacques, ne craignez personne, puisque vous n’êtes comparable à personne.

Il savait, au contraire, le peu qu’il était, et le peu qu’on est dans ce monde, où les êtres, agités comme, dans le van, les grains et la balle, sont mêlés et séparés par la secousse du rustre ou du dieu. Encore cette idée du van agricole ou mystique représentait trop bien la mesure et l’ordre pour qu’elle pût s’appliquer exactement à la vie. Il lui semblait que les hommes étaient des grains dans la cuvette d’un moulin à café. Il en avait eu la sensation très vive, l’avant-veille, en voyant