Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/346

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Thérèse s’écria :

— Je n’ai que le temps de m’habiller pour le dîner.

Et elle s’échappa devant les lions de pierre, laissant à son ami comme une vision de conte de fées.


Dans le salon, après le dîner, M. Berthier D’Eyzelles lisait le journal, et la princesse Seniavine, devant la table de jeu, faisait une réussite. Thérèse, les yeux mi-clos sur un livre et sentant aux chevilles la piqûre des épines enjambées dans les taillis, derrière la Gerbe-de-l’Oise, se rappelait en frissonnant l’ami qui l’avait prise dans les feuilles comme un faune jouant avec une nymphe.

La princesse lui demanda si c’était amusant ce qu’elle lisait là.

— Je ne sais pas. Je lisais et je songeais. Paul Vence a raison : « Nous ne trouvons que nous dans les livres. »

À travers les tentures venaient de la salle de billard les voix brèves des joueurs et le bruit sec des billes.

— Réussite ! s’écria la princesse en jetant les cartes.

Elle avait mis une grosse somme sur un cheval qui courait ce jour-là aux courses de Chantilly.