Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/354

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cabinet aux hommes qui ont suivi, dès la première heure, la politique vers laquelle nous nous orientons aujourd’hui ?

— Ils s’y sont perdus, répliqua Garain, impatienté. Un homme politique ne doit pas devancer les circonstances. C’est un tort que d’avoir raison trop tôt. On ne fait pas les affaires avec des penseurs. Et puis, parlons franc : si vous voulez un ministère centre gauche, dites-le : je me retire. Mais je vous avertis que ni la Chambre ni le pays ne seront avec vous.

— Il est évident, dit le comte Martin, qu’il faut s’assurer une majorité.

— Avec ma liste, elle est faite, notre majorité, dit Garain. C’est la minorité qui a soutenu le ministère contre nous, plus les voix que nous en avons détachées. Messieurs, je fais appel à votre dévouement.

Et la distribution laborieuse des portefeuilles recommença. Le comte Martin reçut d’abord les Travaux publics, qu’il refusa, faute de compétence, et ensuite les Affaires étrangères, qu’il accepta sans objection.

Mais M. Berthier d’Eyzelles, à qui Garain offrait le Commerce et l’Agriculture, se réserva.

Loyer fut mis aux Colonies. Il semblait très occupé à faire tenir sur la nappe son caniche de mie de pain. Cependant, il regardait du coin de