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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/356

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partie de trois cabinets et présidé le conseil. Dans mes ministères, et durant ma présidence, les difficultés les plus épineuses sont toujours venues du ministre de la guerre. Les généraux sont tous les mêmes. Celui que j’avais choisi dans le cabinet que j’ai formé, vous le connaissez. Nous l’avions pris étranger aux affaires. Il savait à peine qu’il y eût deux Chambres. Il a fallu lui expliquer tous les rouages du mécanisme parlementaire ; lui apprendre qu’il y avait une commission de l’armée, une commission des finances, des sous-commissions, des rapporteurs, une discussion du budget. Il a demandé qu’on lui mît tous ces renseignements sur un petit morceau de papier. Son ignorance des hommes et des choses nous effrayait… Au bout de quinze jours, il savait les tours les plus fins du métier, il connaissait personnellement tous les sénateurs et tous les députés, et il intriguait avec eux contre nous. Sans le secours du président Grévy, qui se méfiait des militaires, il nous culbutait. Et c’était un général très ordinaire, un général comme les autres. Ah ! non ne croyez pas que le portefeuille de la Guerre puisse être donné à la hâte, sans réflexion…

Et Garain, se rappelant son ancien collègue du boulevard Saint-Germain, frissonnait encore. Il sortit.