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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/358

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dont elle se sentait enfin assurée. Elle marchait dans cette dernière gloire du soleil déjà touché par l’hiver, et elle se disait :

« Il m’aime, je crois qu’il m’aime tout à fait. Aimer lui est plus facile et plus naturel qu’aux autres hommes. Ils ont dans la vie des idées supérieures à eux, une foi, des habitudes, des intérêts. Ils croient en Dieu ou à des devoirs, ou à eux-mêmes. Lui, il ne croit qu’à moi. Je suis son dieu, son devoir et sa vie. »

Puis elle songea :

« C’est vrai aussi qu’il n’a besoin de personne, pas même de moi. Sa pensée est un monde magnifique où il pourrait vivre aisément. Mais moi, je ne peux pas vivre sans lui. Qu’est-ce que je deviendrais, si je ne l’avais plus ? »

Elle se rassurait sur ce goût violent, sur cette habitude charmée, qu’il avait pris d’elle. Elle se rappelait qu’elle lui avait dit un jour : « Tu n’as pour moi qu’un amour sensuel. Je ne m’en plains pas, c’est peut-être le seul vrai. » Et il lui avait répondu : « C’est aussi le seul grand et le seul fort. Il a sa mesure et ses armes. Il est plein de sens et d’images. Il est violent et mystérieux. Il s’attache à la chair et à l’âme de la chair. Le reste n’est qu’illusion et mensonge. » Elle était presque tranquille dans sa joie. Les soupçons, les inquiétudes s’en étaient allés comme