Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/360

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s’approcha, se dressa près d’elle avec une précision banale et pénible.

Elle reconnut Robert Le Ménil, qui, l’ayant suivie depuis le quai de Billy, la joignait à l’endroit le plus tranquille et le plus sûr.

Son air, son attitude laissaient voir cette limpidité d’âme qui avait plu à Thérèse autrefois. Son visage naturellement dur, assombri par le hâle et l’embrun, un peu creusé, très calme, cachait et laissait voir une souffrance profonde.

— J’ai à vous parler.

Elle ralentit le pas. Il marcha à son côté.

— J’ai cherché à vous oublier. Après ce qui s’était passé, c’était bien naturel, n’est-ce pas ? J’ai tout fait pour cela. Il valait mieux vous oublier, bien sûr. Mais je n’ai pas pu. Alors, j’ai acheté un bateau. Et j’ai navigué pendant six mois. Vous savez, peut-être ?

Elle fit signe qu’elle savait.

Il reprit :

Rosebud, un joli yacht de quatre-vingts tonneaux. J’avais six hommes d’équipage. Je manœuvrais avec eux. C’était une distraction.

Il se tut. Elle allait lentement, attristée, surtout ennuyée. C’était pour elle une chose absurde et pénible au delà de tout d’écouter ces paroles étrangères.

Il reprit :