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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/364

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Il lui dit :

— Voici : je vous pardonne et j’oublie tout. Reprenez-moi. Je vous promets de ne jamais vous dire un mot du passé.

Elle tressaillit et laissa paraître un mouvement si naturel de surprise et de désolation qu’il s’arrêta.

Puis, après un moment de réflexion :

— Ce que je vous propose n’est pas ordinaire, je le sais bien. Mais j’ai réfléchi, j’ai pensé à tout. C’est la seule chose possible. Pensez-y, Thérèse, et ne me répondez pas tout de suite.

— Ce serait mal de vous tromper. Je ne peux pas, je ne veux pas faire ce que vous dites ; et vous savez pourquoi.

Un fiacre passait lentement près d’eux. Elle fit signe au cocher, qui s’arrêta. Il la retint un moment encore.

— J’ai prévu que vous me diriez cela. Et c’est pourquoi je vous dis : Ne me répondez pas tout de suite.

La main sur la poignée de la portière, elle tourna sur lui le regard de ses prunelles grises.

Ce fut pour lui le moment douloureux. Il se rappela le temps où il voyait ces prunelles d’un gris charmant couler sous les paupières mi-closes. Il retint un sanglot dans sa poitrine et murmura d’une voix étranglée :