Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/367

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amant ; dans les loges, madame Bérard de La Malle, les yeux baissés, ses longs cils ombrageant ses joues pures ; la princesse Seniavine, qui, superbe, cachait sous son éventail des bâillements de panthère ; madame de Morlaine, entre deux jeunes femmes qu’elle formait aux élégances de l’esprit ; madame Meillan, assurée sur trente ans de beauté souveraine ; madame Berthier d’Eyzelles, raide sous ses bandeaux gris de fer chargés de diamants. La couperose de son visage rehaussait la dignité de son attitude. Elle était très regardée. On avait appris, dans la matinée, qu’après l’échec de la combinaison Garain, M. Berthier d’Eyzelles avait accepté la mission de former un ministère. Les démarches étaient près d’aboutir. Les journaux publiaient les listes avec le nom de Martin-Bellème pour les finances. Et les lorgnettes se tournaient inutilement vers la loge encore vide de la comtesse Martin.

Un murmure immense de voix emplissait la salle. Au troisième rang de l’orchestre, le général Larivière, debout, à sa place accoutumée, causait avec le général de La Briche.

— Je ferai bientôt comme toi, mon vieux camarade, j’irai planter mes choux en Touraine.

Il était dans une de ses heures de mélancolie, où le néant lui apparaissait au bout prochain de