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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/368

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la vie. Il avait flatté Garain, et Garain, le trouvant trop fin, lui avait préféré, pour ministre de la guerre, un général d’artillerie myope et chimérique. Du moins, Larivière goûtait-il le plaisir de voir Garain abandonné, trahi par ses amis Berthier d’Eyzelles et Martin-Bellème. Il en riait par les rides de ses petits yeux. Sa patte d’oie s’égayait seule sur son visage bourru. Il riait de profil. Lassé d’une longue vie de dissimulation, il se donna tout à coup la joie et la beauté d’exprimer sa pensée :

— Vois-tu, mon bon La Briche, ils nous embêtent avec leur armée civile, qui coûte cher et qui ne vaut rien. Les petites armées sont les seules bonnes. C’était l’avis de Napoléon, qui s’y entendait.

— C’est vrai, c’est bien vrai, soupira le général de La Briche, ému, les larmes aux yeux.

Montessuy, gagnant son fauteuil, passa devant eux ; Larivière lui tendit la main.

— On dit que c’est vous, Montessuy, qui avez fait échec à Garain. Tous mes compliments.

Montessuy se défendit d’exercer aucune action politique. Il n’était ni sénateur, ni député, pas même conseiller général dans l’Oise. Et, lorgnant la salle :

— Regardez, Larivière, il y a dans cette baignoire, à droite, une bien jolie femme, brune, avec des bandeaux plats sur les joues.