Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/373

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La Briche resta un moment pensif. Puis :

— Il est venu cet été à Sémanville. Je l’ai trouvé bizarre, absorbé. Un garçon sympathique, franc comme l’or et intelligent. Mais il lui faudrait une occupation, un but dans la vie.

La sonnerie qui annonçait la fin de l’entr’acte s’était tue depuis un moment. Dans le foyer déserté, les deux vieillards allaient.

— Un but dans la vie, répétait La Briche, grand, maigre et voûté, tandis que son camarade, allégé, rajeuni, s’échappant, gagnait l’entrée de la scène.

Marguerite, dans le bosquet, filait et chantait. Quand elle eut fini, miss Bell dit à madame Martin :

— Oh ! darling, M. Choulette m’a écrit une lettre parfaitement belle. Il m’a dit qu’il était très célèbre. Et j’ai été bien contente de le savoir. Et il m’a dit aussi : « La gloire des autres poètes repose dans la myrrhe et les aromates. La mienne saigne et gémit sous une pluie de pierres et d’écailles d’huîtres. » Est-ce que véritablement, my love, les français lapident le bon Monsieur Choulette ?

Tandis que Thérèse rassurait miss Bell, Loyer, impérieux et un peu tapageur, se fit ouvrir la loge.

Il apparut mouillé, crotté.