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— Je viens de l’Élysée, dit-il.

Il eut la galanterie d’annoncer d’abord à madame Martin la nouvelle.

— Les décrets sont signés. Votre mari a les Finances. C’est un joli portefeuille.

— Le Président de la République, demanda M. Martin-Bellème, n’a pas fait d’objection quand mon nom a été prononcé devant lui ?

— Non. Berthier a fait valoir au président la probité héréditaire des Martin, votre situation de fortune, et surtout les liens qui vous attachent à certaines personnalités du monde financier, dont le concours peut être utile au gouvernement. Et le Président, selon l’heureuse expression de Garain, s’est inspiré des nécessités de la situation. Il a signé.

Sur la face jaunie du comte Martin passèrent deux ou trois rides. Il souriait.

— Le décret, reprit Loyer, paraîtra demain à l’Officiel. J’ai accompagné moi-même dans un sapin l’attaché de cabinet qui le portait à la composition. C’était plus sûr. Du temps de Grévy, qui pourtant n’était pas une bête, on interceptait les décrets dans le trajet de l’Élysée au quai Voltaire.

Et Loyer se jeta sur une chaise. Là, goûtant des yeux et des narines les épaules de madame Martin :