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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/387

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à elle-même qu’elle faisait des reproches amers d’avoir laissé partir son ami, sans un mot, sans un regard, où elle eût mis son âme.

Tandis que Pauline attendait pour la déshabiller, elle allait et venait d’impatience. Puis elle s’arrêtait brusquement. Dans les glaces obscures où se noyaient les reflets des bougies, elle voyait le couloir du théâtre et son ami la fuyant sans retour.

Où était-il maintenant ? Que se disait-il, seul ? C’était pour elle un supplice de ne pouvoir le rejoindre, le revoir, tout de suite.

Elle appuya longtemps ses mains sur son cœur, elle étouffait.

Pauline poussa un petit cri. Elle voyait sur le corsage blanc de sa maîtresse des gouttes de sang. Thérèse, sans le savoir, s’était déchiré la main aux étamines du lys rouge.

Elle détacha le joyau emblématique, qu’elle avait porté devant tous comme le secret éclatant de son cœur, et, le tenant entre ses doigts, elle le contempla longtemps. Alors elle revit les jours de Florence, la cellule de San Marco où le baiser de son ami vint peser doucement sur sa bouche, tandis qu’à travers ses cils abaissés elle apercevait vaguement encore les anges et le ciel bleu peints sur la muraille, les Lanzi, et la fontaine éclatante du glacier sur la nappe de cotonnade