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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/388

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rouge ; le pavillon de la via Alfieri, ses nymphes, ses chèvres, et la chambre où les bergers et les masques des paravents entendaient ses cris et ses longs silences.

Non, tout cela, ce n’était pas les ombres du passé, les fantômes des heures anciennes, c’était la réalité présente de son amour. Et un mot jeté stupidement par un étranger détruirait ces belles choses ! Heureusement, ce n’était pas possible. Son amour, son amant ne dépendaient pas d’une telle misère. Si seulement elle pouvait courir chez lui, comme elle était là, à demi dévêtue, dans la nuit, entrer dans sa chambre… Elle le trouverait devant le feu, les coudes aux genoux, la tête entre les mains, triste. Alors, les doigts dans les cheveux de son ami, elle le forcerait à relever la tête, à voir qu’elle l’aimait, qu’elle était sa chose, son trésor vivant de joie et d’amour.

Elle avait renvoyé sa femme de chambre. Dans son lit, la lampe allumée, elle remuait une seule idée en son esprit.

C’était un accident, un accident absurde. Il le comprendrait bien, que leur amour n’avait rien à voir à cette chose bête. Quelle folie ! lui, s’inquiéter d’un autre ! Comme s’il y avait d’autres hommes au monde !

M. Martin-Bellème entr’ouvrit la porte de la chambre. Voyant de la lumière, il entra.