Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/39

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— Notre-Dame, dit-elle ! Voyez, elle est lourde comme un éléphant et fine comme un insecte. La lune grimpe sur elle, et la regarde avec une malice de singe. Elle ne ressemble pas à la lune campagnarde de Joinville. À Joinville, j’ai mon chemin, un chemin plat avec la lune au bout. Elle n’y est pas tous les soirs ; mais elle y revient fidèlement, pleine, rouge, familière. C’est une voisine de campagne, une dame des environs. Je vais très sérieusement au devant d’elle, par politesse et par amitié ; mais cette lune de Paris, on ne voudrait pas la fréquenter. Ce n’est pas une personne de bonne compagnie. Ce qu’elle a vu, depuis le temps qu’elle se frotte aux toits !

Il sourit d’un sourire tendre :

— Oh ! ton petit chemin, où tu te promenais seule et que tu disais aimer parce qu’il y avait le ciel au bout, pas bien haut, pas bien loin, je le vois comme si j’y étais !

C’était au château de Joinville, invité par Montessuy à une chasse, qu’il l’avait vue pour la première fois, qu’il l’avait tout de suite aimée, voulue. C’est là, un soir, sur la lisière du petit bois, qu’il lui avait dit qu’il l’aimait, et qu’elle l’avait écouté, muette, la bouche douloureuse et les yeux vagues.

Ce souvenir du petit chemin où elle se promenait seule, en ces nuits d’automne, l’émut, le