Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/390

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle l’écoutait sans attention et sans impatience. Ce visage et cette voix pâles marquaient pour elle, comme une horloge, les minutes qui passaient une à une, lentement.

— Il a eu des saillies bizarres, Loyer. Au moment où il se déclarait strictement concordataire : « Les évêques, a-t-il dit, sont des préfets spirituels. Je les protégerai, puisqu’ils m’appartiennent. Et par eux je tiendrai les gardes champêtres des âmes : les curés. »

Il lui rappela qu’elle devrait aller dans un monde qui n’était pas le sien et qui la choquerait sans doute par sa vulgarité. Mais leur situation exigeait qu’ils ne méprisassent personne. D’ailleurs, il comptait sur son tact et sur son dévouement.

Elle le regarda, un peu effarée.

— Rien ne presse, mon ami. Nous verrons plus tard…

Il était fatigué, accablé. Il lui souhaita le bonsoir, lui conseilla de dormir. Elle se perdrait la santé à lire ainsi toute la nuit. Il la laissa.

Elle entendit le bruit de ses pas, un peu plus lourds que de coutume, tandis qu’il traversait le cabinet de travail encombré de livres bleus et de journaux, pour gagner sa chambre où il dormirait, peut-être. Puis elle sentit peser sur elle le silence de la nuit. Elle regarda sa montre, il était une heure et demie.