Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/410

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leva les yeux ; son regard mouillé jeta dans l’ombre une lueur.

— Et il n’y a pas moyen de vous faire sentir que ce que je vous dis est vrai, que jamais, depuis que je suis à vous, jamais… Mais comment aurais-je pu ? L’idée seule m’en paraît horrible, absurde. Vous me connaissez donc si peu ?

Il secoua la tête tristement :

— Non ! je ne vous connais pas.

Elle interrogea encore une fois d’un regard toutes les choses qui, dans la chambre, les avaient vus s’aimer.

— Mais alors, ce que nous avons été l’un pour l’autre… c’était vain, c’était inutile. On se brise l’un contre l’autre, on ne se mêle pas !

Elle se révolta. Ce n’était pas possible qu’il ne sentît pas ce qu’il était pour elle.

Et, dans l’ardeur de son amour déchiré, elle se jeta sur lui, l’enveloppa de baisers, de larmes, de cris, de morsures.

Il oublia tout, la prit endolorie, brisée, heureuse, la pressa dans ses bras avec la rage morne du désir. Déjà, la tête renversée au bord de l’oreiller, elle souriait dans les larmes. Brusquement il s’arracha d’elle.

— Je ne vous vois plus seule. Je vois l’autre avec vous, toujours.