Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/53

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une prise de tabac, demandait aux conseillers leurs boîtes d’or ornées de miniatures, garnies de diamants, qu’on ne revoyait plus jamais. À la fin, on n’apportait au conseil que des queues-de-rat. Il tenait l’anecdote du fils Mounier lui-même.

Montessuy estimait en Napoléon l’esprit d’ordre.

— Il aimait, dit-il, la besogne bien faite. C’est un goût qu’on n’a plus guère.

Le peintre Duvicquet, qui avait des idées de peintre, était embarrassé. Il ne retrouvait pas sur le masque funèbre rapporté de Sainte-Hélène les caractères de cette face belle et puissante, que les médailles et les bustes ont consacrée. On pouvait s’en convaincre, maintenant que le bronze de ce masque, tiré des greniers, se voyait pendu chez tous les brocanteurs, au milieu d’aigles et de sphinx en bois doré. Et selon lui, puisque le vrai visage de Napoléon n’était pas napoléonien, la vraie âme de Napoléon pouvait bien ne pas être napoléonienne. C’était peut-être celle d’un bon bourgeois : on l’avait dit, et il inclinait à le croire. D’ailleurs, Duvicquet, qui se flattait d’avoir fait les portraits du siècle, savait que les hommes célèbres ne ressemblent guère à l’idée qu’on s’en fait.

M. Daniel Salomon fit observer que le masque dont parlait Duvicquet, le moulage pris sur le