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des livres très lus, objet de curiosité, personnage à la mode, non plus héros populaire, demi-dieu botté de la patrie, comme aux jours où Norvins et Béranger, Charlet et Raffet composaient sa légende, mais personnage curieux, type amusant dans son intimité vivante, figure dont le style plaisait aux artistes, dont le mouvement attirait les badauds.

Garain, qui avait fondé sa fortune politique sur la haine de l’Empire, jugeait sincèrement que ce retour du goût national n’était qu’un engouement absurde. Il n’y découvrait aucun danger et n’en éprouvait point de crainte. Chez lui la peur éclatait soudaine et féroce. Pour le moment, il était bien tranquille : car il ne parla ni d’interdire les représentations, ni de saisir les livres, ni d’emprisonner les auteurs, ni de rien réprimer. Calme et sévère, il ne voyait en Napoléon que le condottière de Taine, qui donna à Volney un coup de pied dans le ventre.

Chacun voulut définir le vrai Napoléon. Le comte Martin, en face du surtout impérial et des Victoires ailées, parla avec convenance de Napoléon organisateur et administrateur et le mit très haut comme président du conseil d’État, où sa parole portait la lumière sur les points obscurs.

Garain affirma que dans ces séances trop fameuses, Napoléon, sous prétexte de prendre