Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/55

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Le général avait l’idée de plaire à Garain, et il n’avait pas d’autre idée ; toutefois, il parvint avec un peu d’effort à formuler un jugement d’ensemble :

— Napoléon a commis des fautes ; dans sa position il ne devait pas en commettre.

Et il se tut, très rouge.

Madame Martin demanda :

— Et vous, monsieur Vence, que pensez-vous de Napoléon ?

— Madame, j’ai peu de goût pour les « trognes à épée » ; et les conquérants me semblent tout bonnement des fous dangereux. Malgré tout, cette figure de l’Empereur m’intéresse comme elle intéresse le public. Je lui trouve du caractère et de la vie. Il n’y a pas de poème ni de roman d’aventure qui vaille le Mémorial, qui pourtant est écrit d’une manière ridicule. Ce que je pense de Napoléon, puisque vous voulez bien le savoir, c’est que, fait pour la gloire, il s’y montre dans la simplicité brillante d’un héros d’épopée. Un héros doit être humain. Napoléon fut humain.

— Oh ! oh ! fit-on.

Mais Paul Vence poursuivit :

— Il était violent et léger ; et par là profondément humain. Je veux dire semblable à tout le monde. Il voulut avec une force singulière tout ce que le commun des hommes estime et