Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/60

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dont je dois la connaissance à mon ami James Lovell, de Londres. On y apprend que le grand séducteur perdit son temps avec trois femmes. L’une était une bourgeoise : elle aimait son mari ; l’autre, une religieuse : elle ne consentit point à violer ses vœux. La troisième, qui avait longtemps mené une vie de débauche, devenue laide, se trouvait servante dans un bouge. Après ce qu’elle avait fait, après ce qu’elle voyait, l’amour ne lui disait plus rien. Ces trois femmes tinrent la même conduite pour des raisons très différentes. Une action ne prouve rien. C’est la masse des actions, leur poids, leur somme qui fait la valeur d’un être humain.

— Certaines de nos actions, dit madame Martin, ont notre air, notre visage : ce sont nos filles. D’autres ne nous ressemblent pas du tout.

Elle se leva et prit le bras du général.

En passant au salon au bras de Garain, la princesse dit :

— Elle a raison, Thérèse… D’autres ne nous ressemblent pas du tout. De petites négresses qu’on a eues en dormant.

Les nymphes des tapisseries souriaient vainement, dans leur fraîcheur passée, aux hôtes qui ne les voyaient pas.

Madame Martin servit le café avec sa jeune cousine, madame Bellème de Saint-Nom. Elle