Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/65

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— J’ai rencontré ce matin au bois la baronne Warburg, qui montait une bête superbe. Elle m’a dit : « Général, comment faites vous donc pour avoir toujours de beaux chevaux ? » Je lui ai répondu : « Madame, pour avoir de beaux chevaux, il faut être ou très riche, ou très malin. »

Il était si content de cette riposte qu’il la répéta deux fois, en clignant de l’œil.

Paul Vence s’approcha de la comtesse Martin :

— Je sais le nom du sénateur : il s’appelle Loyer, il est vice-président d’un groupe, et auteur d’un livre de propagande intitulé : Le Crime du 2 Décembre.

Le général poursuivit :

— Il faisait un temps de chien. Je me suis mis sous le champignon. Le Ménil s’y trouvait. J’étais de mauvaise humeur. Il se moquait de moi, en dedans ; je l’ai bien vu. Il s’imagine que, parce que je suis général, je dois aimer le vent, la grêle et la neige fondue. C’est absurde ! Il m’a dit que le mauvais temps ne lui était pas désagréable, et qu’il allait la semaine prochaine chasser le renard avec des amis.

Il y eut un silence ; le général reprit :

— Je lui souhaite du plaisir, mais je ne l’envie pas. La chasse au renard n’est pas bien agréable.

— Mais elle est utile, dit Montessuy.