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Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/78

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de sécurité qui étaient très forts en elle. Elle n’avait pas choisi : on ne choisit guère. Elle ne s’était pas non plus laissé prendre au hasard et par surprise. Elle avait fait ce qu’elle avait voulu, autant qu’on fait ce qu’on veut dans ces affaires-là. Elle n’avait pas à regretter. On avait été pour elle ce qu’on devait être : c’était une justice à rendre à un homme très recherché dans le monde et qui avait toutes les femmes qu’il voulait. Elle sentait malgré tout que c’était fini, et tout naturellement. Elle songeait avec une mélancolie sèche : « Trois ans de ma vie, un honnête homme qui m’aime et que j’aimais, car je l’aimais. Il le fallait bien, pour me donner à lui. Je ne suis pas une femme perdue. » Mais elle ne pouvait plus retrouver les sentiments de ce temps-là, les mouvements de son âme et de sa chair quand elle s’était donnée. Elle se rappelait des circonstances petites et tout à fait insignifiantes : les fleurs du papier et les tableaux de la chambre ; c’était une chambre d’hôtel. Il lui souvenait des mots un peu ridicules et presque touchants qu’il lui avait dits. Mais il lui semblait que l’aventure était arrivée à une autre femme, à une étrangère qu’elle n’aimait pas beaucoup, qu’elle ne comprenait guère.

Et la chose de tout à l’heure, ces caresses qu’elle emportait sur sa chair, tout cela était