Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/84

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regardant de côté, il lui trouvait l’allure souple et ferme qu’il aimait. Il remarquait la petite secousse que par instants sa tête volontaire donnait aux brins de gui piqués à sa toque.

Sans y songer, il subissait le charme de cette rencontre presque intime avec une jeune femme presque inconnue.

Ils étaient arrivés à l’endroit où la large avenue déploie ses quatre rangs de platanes. Ils suivaient le parapet de pierre surmonté d’un rideau de buis qui cache heureusement la laideur des bâtiments militaires étalés en contre-bas sur le quai. Au delà se devinait le fleuve, à cet air laiteux qui, dans les jours sans brume, repose sur les eaux. Le ciel était clair. Les feux de la ville se mêlaient aux étoiles. Au sud brillaient les trois clous d’or du Baudrier d’Orion.

— L’année dernière à Venise, chaque matin, en sortant de chez moi, je trouvais devant sa porte, élevée de trois marches sur le canal, une fille admirable, la tête petite, le cou rond et fort, la hanche libre. Elle était là, dans le soleil et la vermine, pure comme une amphore, capiteuse comme une fleur. Elle souriait. Quelle bouche ! Le plus riche joyau dans la plus belle lumière. Je m’aperçus à temps que ce sourire allait à un garçon boucher, campé derrière moi, son panier sur la tête.