Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/90

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suivi la marche des événements, vous auriez été frappée du courant qui ramène le pays aux opinions modérées. Le pays est las des exagérations. Il rejette les hommes compromis dans la politique radicale et dans les persécutions religieuses. Il faudra un jour ou l’autre refaire un ministère Casimir-Perier avec d’autres hommes, et ce jour-là…

Il s’arrêta : elle l’écoutait vraiment trop peu et trop mal.

Elle songeait, triste et désenchantée. Il lui semblait que cette jolie femme qui, là-bas, sous les ombres chaudes de la chambre close, trempait ses pieds nus dans la fourrure de l’ours brun, et à qui un ami donnait des baisers sur la nuque tandis qu’elle tordait ses cheveux devant la psyché, ce n’était point elle, ce n’était pas même une femme, qu’elle connût beaucoup ni qu’elle voulût connaître, mais une dame dont les affaires ne l’intéressaient pas. Une épingle mal piquée dans ses cheveux, une des épingles de la coupe en verre de Bohême, lui glissa dans le cou. Elle frissonna.

— Il faudra pourtant, dit M. Martin-Bellème, donner trois ou quatre dîners à nos amis politiques. Nous mettrons les anciens radicaux avec des gens de notre monde. Il sera bon de trouver aussi quelques jolies femmes. On peut très bien