Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/169

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taires écoutaient encore ce soupir, madame Bergeret ajouta :

— On a bien des causes de tristesse dans la vie, surtout quand on n’est point d’une nature à tout accepter… Vous êtes heureuse, vous, madame Leterrier ! Et vous aussi, madame Compagnon !…

Et madame Bergeret, discrète, contenue, pudique, n’en dit pas davantage, malgré les regards intéressés qui s’attachaient sur elle. Mais c’en était assez pour qu’on comprît qu’elle était maltraitée, humiliée dans sa maison. On parlait tout bas dans la ville des assiduités de M. Roux auprès d’elle. Madame Leterrier, à compter de ce jour, imposa silence à la calomnie ; elle affirma que M. Roux était un jeune homme comme il faut. Et parlant de madame Bergeret, elle disait, la lèvre humide et l’œil noyé :

— Cette pauvre dame est bien malheureuse et bien sympathique.

En six semaines, l’opinion des salons du