Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une façon commune. Loin de la terre qu’ils aiment d’un amour animal, ils traînent leur douleur muette, monotone et profonde. Ils n’ont pour les distraire, dans l’exil et dans la captivité, que la peur des chefs et la fatigue du métier. Tout leur est étranger et difficile. Il y a dans ma compagnie deux Bretons qui n’ont pu retenir, après six semaines de leçons, le nom de notre colonel. Chaque matin, alignés devant le sergent, nous apprenons ce nom avec eux, l’instruction militaire étant la même pour tous. Notre colonel se nomme Dupont. Il en va ainsi de tous les exercices. Les hommes ingénieux et adroits y attendent indéfiniment les stupides.

M. Bergeret demanda si les officiers cultivaient, comme le sergent Lebrec, l’éloquence martiale.

— J’ai, répondit M. Roux, un capitaine tout jeune qui observe, au contraire, la plus exquise politesse. C’est un esthète, un rose-