Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/20

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croix. Il peint des vierges et des anges très pâles, dans des ciels roses et verts. C’est moi qui fais les légendes de ses tableaux. Pendant que Deval est de corvée dans la cour du quartier, je suis de service chez mon capitaine qui me commande des vers. Il est charmant. Il s’appelle Marcel de Lagère, et il expose à l’Œuvre sous le pseudonyme de Cyne.

— Est-ce qu’il est aussi un héros ? demanda M. Bergeret.

— Un saint Georges, répondit M. Roux. Il se fait une idée mystique du métier militaire. Il dit que c’est un état idéal. On va, sans voir, au but inconnu. On s’achemine, pieux, chaste et grave, vers des dévouements mystérieux et nécessaires. Il est exquis. Je lui apprends le vers libre et la prose rythmée. Il commence à faire des proses sur l’armée. Il est heureux, il est tranquille, il est doux. Une seule chose le désole, c’est le drapeau. Il trouve que le