Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/216

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la cour du quartier, vous ne croirez pas qu’il faille sans cesse menacer de mort ces âmes moutonnières pour les maintenir dans l’obéissance. Elles songent tristement à tirer leurs trois ans, comme elles disent, et le sergent Bridoux serait touché jusqu’aux larmes de leur pitoyable docilité, s’il n’avait pas besoin de les terrifier pour jouir de sa propre puissance. Ce n’est pas que le sergent Bridoux soit né plus méchant qu’un autre homme. Mais, esclave et despote, il est deux fois perverti, et je ne sais si Marc-Aurèle, sous-officier, n’aurait pas tyrannisé les bleus. Quoi qu’il en soit, cette tyrannie est suffisante pour entretenir la soumission tempérée de ruse qui est la vertu la plus nécessaire au soldat en temps de paix.

» Et il y a longtemps que nos codes militaires, avec leur appareil de mort, ne se devraient plus voir que dans les musées des horreurs, près des clefs de la Bastille et des tenailles de l’Inquisition.