Aller au contenu

Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/263

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

grande, froide, blanche, avait un caractère de calme, d’ordre, de rectitude. On y sentait une force secrète, une puissance sociale qui ne se montrait pas.

Madame Worms-Clavelin respira avec une grave satisfaction l’air de ce parloir, un air humide, mêlé d’une odeur de cuisine fade. Ayant traîné son enfance par les petites écoles bruyantes de Montmartre, sous des barbouillages d’encre et de confitures, dans un échange perpétuel de vilains mots et de vilains gestes, elle tenait en haute estime l’austérité de l’éducation aristocratique et religieuse. Elle avait fait baptiser sa fille pour qu’elle pût être admise dans un couvent distingué. Elle avait pensé : « Jeanne sera mieux élevée, et elle aura chance de faire un meilleur mariage. » Jeanne avait reçu le baptême à onze ans, dans un grand secret, parce qu’on était alors sous un ministère radical. Depuis, la République et l’Église s’étaient rapprochées l’une de l’autre. Mais,