Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/304

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Et, de nouveau, elle répandit d’abondantes larmes.

Ce reproche ne fâcha pas M. Bergeret. Il feignit de ne point l’entendre, ayant trop d’esprit pour ne pas excuser les libertés d’une fille ignorante. Et il sourit au dedans de lui-même, car il gardait dans le fond obscur de son âme, sous l’appareil des sages pensées et des belles maximes, l’instinct primitif, qui subsiste chez les hommes modernes de l’esprit le plus civil et le plus doux, et qui les porte à se réjouir quand ils voient qu’on les prend pour des êtres féroces, comme si la capacité de nuire et de détruire était la première force des vivants, leur vertu essentielle et leur bonté supérieure ; ce qui, à la réflexion, se trouve véritable, puisque, la vie ne se soutenant et ne s’accroissant que dans le meurtre, les meilleurs sont ceux qui font le plus de carnages, et puisque ceux qui, par instigation de race et de nourriture, donnent les