Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/303

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soir, son livre à monsieur qui, ne pouvant suffire aux dépenses accrues, la renvoyait d’un geste impérieux. Et elle demeurait accablée par des difficultés supérieures à son génie. À vivre dans cet air mauvais, elle perdait sa gaieté : on ne l’entendait plus mêler, dans sa cuisine, ses rires et ses cris au choc des casseroles, au crépitement des fritures répandues sur le fourneau, aux roulements lourds du couteau hachant sur la table épaisse les viandes avec un bout de ses doigts. Elle n’avait plus ni joies, ni douleurs bruyantes. Elle disait : « Je deviens idiote dans cette maison. » Madame Bergeret lui faisait pitié. Cette dame était bonne pour elle maintenant. Elles passaient les soirées assises côte à côte sous la lampe et se faisant des confidences. C’est l’âme pleine de ces sentiments que la jeune Euphémie dit à M. Bergeret :

— Je m’en vas ; vous êtes trop méchant aussi. Je veux m’en aller.