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Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/308

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son égard est immorale et douce. Ma conduite à son égard est morale et cruelle. Ce que je condamne sans pitié, ce n’est pas son action, qui n’est que ridicule et incongrue, à mon sens ; c’est elle-même, coupable, non d’avoir fait ce qu’elle a fait, mais d’être ce qu’elle est. La jeune Euphémie a raison : Je suis méchant ! »

Il s’approuva et, roulant de nouvelles pensées, se dit encore :

« Je suis méchant parce que j’agis. Je n’avais pas besoin de cette expérience pour savoir qu’il n’y a pas d’action innocente, et qu’agir, c’est nuire ou détruire. Dès que j’ai commencé d’agir, je suis devenu malfaisant. »

Ce n’est pas sans raison qu’il se parlait de la sorte à lui-même, car il accomplissait une action systématique, continue et suivie, qui était de rendre à madame Bergeret la vie insupportable, en retranchant à cette dame tous les biens indispensables à son