Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/35

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— Cher monsieur, dit le commandeur Aspertini, je vous répondrai avec la liberté permise à un ami. Reconnaissons d’abord que la pensée française entre comme autrefois dans la circulation du monde. Le manuel d’archéologie de votre très savant compatriote Maurice Raynouard n’a pas pris place sur les pupitres des universités anglaises, mais vos pièces de théâtre sont représentées sur toutes les scènes du globe, les romans d’Alphonse Daudet et ceux d’Émile Zola sont traduits dans toutes les langues ; les toiles de vos peintres ornent les galeries des deux mondes ; les travaux de vos savants jettent encore un éclat universel. Et, si votre âme ne fait plus frissonner l’âme des nations, si votre voix ne fait plus battre le cœur de toute l’humanité, c’est que vous ne voulez plus être les apôtres de la justice et de la fraternité, c’est que vous ne prononcez plus les saintes paroles qui consolent et qui fortifient ; c’est