Page:Anatole France - Le Mannequin d’osier.djvu/77

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pensées d’aucune sorte et qui, bourré de lettres, gardait l’âme d’un illettré. Ce gros homme, sans front ni crâne, occupé tout le jour dans sa maison et dans son jardin à compter les morceaux de sucre et les poires, et qui posait des sonnettes en recevant la visite de ses collègues de la Faculté, déployait à nuire une activité et une sorte d’intelligence dont M. Bergeret demeurait confondu. C’est à quoi songeait le maître de conférences en passant son pardessus pour aller souhaiter la bonne année à M. Torquet.

Pourtant il éprouva quelque joie à se sentir dehors. Il retrouvait dans la rue le plus cher des biens, la liberté philosophique. Au coin des Tintelleries, en face des Deux-Satyres, il s’arrêta pour regarder avec amitié le petit acacia qui, du jardin des Lafolie, levait par-dessus le mur sa tête dépouillée.

« Les arbres, pensa-t-il, prennent, l’hiver, une beauté intime qu’ils n’ont pas dans la