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Page:Anatole France - Le Parti noir.djvu/45

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dans sa morale. Faut-il en être surpris ? Il est vieux de dix-neuf siècles. Il aurait moins duré s’il avait moins changé. Il a traversé des peuples nombreux, des races diverses, des civilisations ou barbares ou corrompues ; il a connu trois formes successives du travail : l’esclavage, le servage, le salariat, et il s’est plié à toutes les conditions sociales dans lesquelles il a vécu. Il a nécessairement professé beaucoup de morales. Mais ce n’est pas la question. Et il suffit en ce moment de considérer ce que des religieux ignorants, des filles simples, enseignent, sur le bien et le mal, aux petits enfants des écoles. Sans doute, la morale chrétienne, ainsi définie, peut passer pour innocente. Il faut considérer la simplicité de celui qui la donne et de ceux qui la reçoivent, et se garder du ridicule de découvrir dans la pensée naïve d’un bon frère les monstres d’une noire théologie. Pourtant, en y regardant de plus près, on sera surpris et attristé de reconnaître que cette pensée manque de tendresse humaine et de générosité, que l’idée du devoir s’y montre intéressée, égoïste et sèche, et qu’enfin le bien y consiste presque uniquement dans l’observation de pratiques insignifiantes et de formules absurdes. Ce n’est pas