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siastes encore de leur cause perdue, soucieux, en attendant la mort, de défendre leur mémoire, et je prononçai avec sympathie le nom de cette aimable femme qui les nourrissait dans un moment de disette, elle-même rationnée, suspecte dès qu’elle cherchait des vivres, et qui cachait des proscrits, sans craindre ce qu’un républicain d’alors appelait la contagion du supplice.

Après m’avoir écouté très attentivement, le frère supérieur demeura silencieux, les mains croisées et les yeux baissés.

Puis, secouant la tête, et tournant ses clés entre ses doigts :

— J’ai beau y regarder, dit-il ; je ne découvre là, ni d’un côté ni de l’autre, des œuvres méritoires, de bonnes actions. Je n’y vois que des vertus humaines.

J’admirais. En quelques mots, c’était toute une doctrine. Ce simple vieillard exprimait tranquillement, avec douceur, les sentiments de profonde et sainte inhumanité dont il était nourri. C’était un religieux. Il professait que les œuvres sans la foi sont vaines. Je ne dis pas qu’il fût capable pour cela de